Je suis née en Australie, à Alice Springs plus exactement. Ma mère était une semi-aborigène, son père l'était et sa mère était une australienne de la ville. Mon père était un Australien pur souche de passage à Alice Springs. Il avait mis ma mère enceinte, était partie et puis n'avait jamais donné de nouvelles même lorsque celle-ci lui avait appris la nouvelle. Elle m'a donc gardée et m'a appelé Scarlett, Camelia était le prénom de sa mère, que je n'ai pas connue. Ma mère était assez différente de moi, elle avait le teint légèrement foncé et des cheveux noirs, seuls ses yeux étaient semblables aux miens, pour tout le reste, je l'avais pris de mon père, la blondeur de mes cheveux, la blancheur de mon teint... J'aimais ma mère plus que tout et elle se démenait pour moi. Enchaînant les petits boulots pour pouvoir m'envoyer à l'école, m'achetait de quoi me vêtir et de quoi manger. Un jour, mon père est revenu à Alice Springs, j'avais dix ans. Il voulait m'emmener et ma mère a fuit, m'emportant avec elle. Avec les économies qu'elle avait mises de côtés pour mes études supérieures, elle avait payé un avion en partance pour Buenos Aires, là où vivait désormais mon grand-père. Il nous accueillait les bras ouverts. Ma mère explique qu'ils s'étaient fâchés quelques années auparavant et qu'elle ne pensait pas qu'il serait heureux de la revoir, pourtant, il s'agissait de sa fille et il l'aimait plus que tout. Nous nous étions installées chez lui. Mon grand-père avait amassée une petite fortune, il vivait correctement, avait de l'argent de côté et avec ma mère qui trouva un travail très rapidement, nous vivions bien. J'allais à l'école, je grandissais à vue d'oeil. Ma vie ressemblait à un conte de fée.
J'ai entamé des études dans l'art, je voulais être professeur d'histoire de l'art ou quelque chose en rapport avec cela. J'adorais aller au musée, croyez-moi, pour une demoiselle, ce n'est pas commun. Et puis, je voulais connaître l'art de mes ancêtres, c'est pourquoi j'ai fait une spécialisation dans l'art aborigène. J'ai rencontré un garçon durant mes études, j'avais dix-sept ans et je me voyais vivre avec lui. Nous étions amoureux et notre relation a duré six ans. J'avais emménagé avec lui après mes vingt-et-un an, encore une fois, nous relevions le défi haut la main, chacun sait qu'il est difficile d'emménager avec son petit ami, c'est un grand pas qui nécessite du tact, de la patience et aussi un certain savoir vivre, mais nous n'avions pas eu trop de problèmes à nous adapter l'un à l'autre. Il m'arrivait de faire à manger et il faisait la vaisselle. Parfois je faisais le ménage pendant trois semaines et il prenait le relais. Nous avions chacun nos occupations, moi mes études et mon sport quotidien, lui son travail et son rugby. Nous avons vécu deux ans comme cela et un jour, il a tout perdu. Son travail, licenciement économique et son poste dans son équipe, à cause d'une blessure. Il a été morose pendant quelques temps, m'attrapant plus fort que d'habitudes, me lançant des couverts à la figure... Et puis un jour, une dispute à éclater et il s'en est pris directement à moi. Il a commencé par me donner une gifle et il a laissé échapper sa fureur. Impossible pour moi de répliquer. Il m'a laissé sur le sol de notre chambre, seule. C'est une voisine, qui devait déposer du pain frais chez nous, qui m'a découvert ainsi et qui a appelé les urgences. J'ai fait un séjour d'un mois à l'hôpital et j'ai été suivi par un psychologue pendant quelques mois. J'ai trouvé un nouvel appartement, j'ai repris mes études où je les avais laissés et j'ai obtenue mon master. Aujourd'hui, je travaille comme serveuse dans un salon de thé en attendant de trouver un travail dans ce qui m'intéresse le plus. Mais j'ai l'impression d'être brisée, dès qu'un homme pose son regard sur moi, je me sens écrasée par une force invisible, je tremble. Alors, lorsqu'ils me touchent, je crie, c'est plus fort que moi. Combien de fois j'ai crié en laissant tombé mon plateau parce qu'un homme m'avait interpeller en me touchant le bras. C'est une situation insupportable, mais mon patron sait par quoi je suis passée et il me laisse continuer à travailler pour lui.