Mon histoire a commencé il y a fort longtemps, 9 mois avant ma naissance, pour être précise... C'est à ce moment que mes parents se sont rencontrés, dans un bar, en Allemagne. D'un côté, il y avait ma mère, provenant d'une famille assez difficile. Son père avait fait de la prison pour vol, sa mère était alcoolique, son frère aîné était dealer. Pas facile comme vie. Et puis, il y avait elle, fille à peu près normale à ses débuts, mais qui avait sombré dans la dépression suite à un viol.
De l'autre côté, il y avait mon père, mon géniteur, fils de bonne famille anglais, en Allemagne pour un tour d'Europe à la suite de sa graduation. Son seul "défaut", selon sa famille, était d'être accro aux jeux vidéos. Il voulait d'ailleurs en faire son métier...
Et ils se sont rencontrés dans ce bar, à Aachen. Je pourrais dire que ça a été le coup de foudre, mais non. Ma mère noyait ses idées suicidaires dans l'alcool, mon père voulait s'amuser.
Et neuf mois plus tard, j'étais là. Quand il avait appris que ma mère était enceinte et que l'enfant était de lui - il avait fait un test de paternité -, il prit la décision de vivre avec nous, pour qu'on forme une famille. Ses parents n'acceptaient pas ma mère, mais ils étaient heureux de savoir qu'il y avait une descendance. Ma mère a tout fait pour leur plaire : thérapie, reprise des études, cours de cuisine, cours d'étiquette,... Mais rien n'y faisaient. Mes grands-parents n'acceptaient pas ma mère. Et puis, il y avait mon père, qui refusait d'abandonner son rêve de création d'un jeu vidéo pour se ranger dans la stabilité. En tout et pour tout, cette "colocation" a duré près de 5 ans. Puis, après maintes disputes, ils se sont séparés. Mes parents se sont alors battus pour ma garde. Ma mère, devenue une femme modèle, bien éduquée, contre mon père, gamin éternel. Inutile de vous dire qui a eu ma garde exclusive. Mon père est parti le plus loin possible de sa famille, à Buenos Aires, où sa détermination a finit par payer après 5 autres années de travail acharné.

Moi, j'ai grandi. Ma mère était déterminée à ne pas me laisser faire les mêmes erreurs qu'elle avait commises. 6 mois après la séparation de mes parents, elle se mariait à un homme riche, allemand. Cet homme avaient un fils qui est rapidement devenu mon frère. Il avait 5 ans de plus que moi et était très protecteur. Cependant, le mari de ma mère était un homme très exigeant. Il n'acceptait que la perfection. Ce fut lui qui engagea de nombreux professeurs particuliers à la fois pour moi, mais aussi pour son fils. J'appris donc le piano à 5 ans, ainsi que le français et la danse classique. Trois ans plus tard vinrent s'ajouter des cours de violon et d'espagnol. Le fils aîné de mon beau-père m'aidait comme il le pouvait pour rattraper ce que mon beau-père appelait mon "retard". Bien entendu. Pour lui, être bilingue parfaite à 5 ans, c'était être en retard. Plus plus plus, il lui en fallait toujours plus. J'avais rapidement compris que toute personne gravitant autour de lui dans le cercle familial était considéré comme un trophée.
Encore deux ans plus tard, il mourut d'une crise cardiaque. Mon frère partit vivre chez sa mère, moi je restai avec ma mère. Ce fut la dernière fois que je le vis.

A nouveau, il ne fallu pas longtemps à ma mère avant de trouver un autre mari. Ici, elle n'avait plus besoin de chercher quelqu'un de particulièrement riche, elle avait tout ce qu'il fallait pour parfaire ma formation. En effet, l'influence de mon ex beau-père était toujours présente sur ma mère. Je jouais du piano et du violon, j'étais excellente en danse classique et en gymnastique, j'aimais jouer aux échecs, et je parlais couramment allemand, anglais, français et espagnol. Et j'avais 10 ans. C'est fou ce que la plasticité cérébrale permet lorsqu'on est enfant.
Ma mère rencontra un homme, très aimant. Dans son rôle de père, je le trouvais parfait ! Je l'adorais. Il est resté avec nous un an. Et ainsi de suite. Après celui-là, la "durée de vie" de leur amour avoisinait les 6 mois, puis il s'éteignait. J'avais rapidement compris l'astuce : ne pas se permettre de laisser quelqu'un entrer dans son coeur = ne pas souffrir. Et je me mettais un point d'honneur à respecter cette règle basique.
Durant ces quelques années où j'ai observer la valse des amours de ma mère, les cours continuaient. J'avais commencé l'italien et le chinois en parallèle. Bizarrement, l'italien, qui était une langue romane, rentra facilement. Mais pour le chinois, c'était une autre paire de manche... J'avais continué mes deux instruments fétiches et j'avais commencé la flute traversière. Niveau "sport", j'avais commencé à recevoir des cours de danse de couple. L'éclate totale... ou pas.

Je ne peux pas dire que ma mère me battait ou me maltraitait si je ne faisais pas ce qu'elle voulait. Non, je pense que c'était pire que cela. Sa pression était plus morale qu'autre chose. "Tu n'es bonne à rien" "Ce n'est pas en te lamentant que tu arriveras à quelque chose" "Il faut que tu donnes le meilleur de toi si tu veux ne manquer de rien" "Ce n'est pas avec ce que tu sais faire que tu pourras trouver quelqu'un de bien qui voudra de toi" "Tu dois travailler plus" "Comment, tu dors encore à 6h30 ! L'avenir appartient à ceux qui se lèvent tôt !" Et j'en passe... Vous l'aurez compris, ma mère était très exigeante, à tel point qu'elle m'étouffais. Je n'avais presque pas d'amis parce que je passais trop de temps à travailler. Je n'avais jamais fait la fête de ma vie. Je n'avais même jamais embrassé un garçon de ma vie. Pensez donc bien que j'étais toujours vierge et relativement naïve à ce sujet.

Et puis, il y a 6 mois, le 5 juillet 2014, ma mère s'est faite renverser par une voiture alors qu'elle sortait de son cours de Yoga. Morte sur le coup. J'étais alors seule, totalement seule. Allez savoir pourquoi, j'ai décidé de laisser tomber ma vie telle qu'elle était et de partir. Partir loin. Mon choix se porta sur Buenos Aires. Peut-être était-ce mon subconscient qui me poussait à partir à la recherche de mon père, dont je n'avais aucune nouvelle depuis mes 5 ans... Allez savoir.

Ces 6 premiers mois à Buenos Aires furent une expérience incroyable. Je me retrouvai rapidement propriétaire d'un appartement au centre-ville, que j'avais acheté avec l'héritage de ma mère. Je m'étais fait des amis, dont une qui m'avait initiée aux plaisirs de la vie nocturne : sorties jusqu'au petit matin, beuveries,... Cependant, je reste fidèle à moi-même dans un certain sens. Par contre, j'ai continué mes cours de chinois. Allez savoir pourquoi, je ne supporte pas l'échec. J'ai aussi retrouvé mon père, mais je n'ai jamais osé aller le voir. Il s'est remarié et a trois enfants : deux garçons de 12 et 8 ans et une fille de 10 ans.

Moi, j'ai décidé de me lancer dans ce qui m'intéressait réellement : la science du langage. Ma mère avait toujours voulu que j'étudie la politique ou les beaux-arts. Mais non. Je voulais faire autre chose, je voulais aider les gens. C'est pour cela que je voulais devenir orthophoniste...